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Phosphates en Afrique : Le Maroc et la Tunisie en tête

Les réserves considérables de phosphates du Maghreb ont historiquement permis aux pays concernés de se positionner comme des acteurs incontournables sur le marché international des fertilisants, contribuant significativement à leur balance commerciale et au développement de leur industrie minière.

La Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG) en Tunisie affiche des résultats prometteurs pour l’année 2024, avec une production de phosphate commercial atteignant 3,03 millions de tonnes.

Cette progression, bien que modeste par rapport au record historique de 8,1 millions de tonnes enregistré en 2010, marque une étape significative dans la reconstruction du secteur.

La moyenne mensuelle de 250 000 tonnes témoigne d’une stabilisation progressive des opérations, après une décennie marquée par des perturbations majeures.

Le contraste entre la situation actuelle et la chute brutale de 70% observée entre 2010 et 2011 souligne l’ampleur du chemin parcouru pour redresser la production.

La CPG déploie actuellement une stratégie ambitieuse de modernisation pour retrouver sa place parmi les producteurs majeurs.

 L’acquisition d’équipements modernes et l’optimisation des processus de production constituent les piliers de cette transformation.

 Toutefois, la compagnie tunisienne doit composer avec plusieurs obstacles persistants. Les mouvements sociaux réguliers menacent la stabilité de la production, tandis que la concurrence du Maroc, disposant d’infrastructures modernisées et d’une logistique efficace, intensifie la pression sur le marché régional.

La question environnementale, particulièrement la gestion des ressources hydriques nécessaires à l’extraction, représente également un défi majeur pour la pérennité des opérations.

Phosphates : perspectives et ambitions pour 2025

La dynamique positive observée en 2024 nourrit les ambitions de la CPG, qui vise désormais une production de 5 millions de tonnes pour 2025.

Cette projection s’appuie sur plusieurs initiatives concrètes, combinant investissements infrastructurels et diversification des débouchés commerciaux.

 La demande croissante d’engrais, stimulée par les besoins agricoles mondiaux, renforce la position stratégique des producteurs maghrébins.

 Cette conjoncture pourrait permettre à la Tunisie de capitaliser sur ses ressources naturelles pour consolider sa relance économique, à condition de maintenir la stabilité sociale et d’assurer une gestion durable des ressources.

Principaux producteurs de phosphate dans le monde, 2021 (en milliers de tonnes)

Le Sénégal, l’Afrique du Sud et le Togo sont d’autres importants producteurs africains de phosphate, avec 2,2 millions de tonnes, 2 millions de tonnes et 1,2 million de tonnes, respectivement. De ces trois pays, seule l’Afrique du Sud dispose d’importantes réserves, estimées à environ 1,6 milliard de tonnes (Service géologique des États-Unis, 2022). L’abondance relative des ressources en phosphate dans les pays d’Afrique du Nord et, par extension, leur capacité à produire des engrais phosphatés, placent ces pays en position de jouer un rôle capital pour la sécurité alimentaire en Afrique. Ce rôle a été renforcé dans le contexte actuel de hausse et de volatilité des prix des denrées alimentaires et des engrais. Pour que l’Afrique puisse nourrir sa population, il faut absolument que le marché africain des engrais soit mieux intégré.

Le marché mondial des engrais de tous types est relativement dominé par un petit nombre de pays : le Canada, la Chine, les États-Unis, la Fédération de Russie et le Maroc. Selon le Centre du commerce international (2023), et ces cinq pays contrôlaient près de la moitié (48 %) des exportations mondiales d’engrais, en termes de valeur. La Fédération de Russie est en tête, avec une part de 15 % du marché mondial. Le Maroc, avec une part de 7 %, occupe la quatrième place du classement mondial.

Cinq premiers exportateurs mondiaux d’engrais, 2021 (en milliers de dollars des États-Unis)

L’Afrique est l’une des régions du monde les plus touchées en termes d’insécurité alimentaire, et la disponibilité d’engrais à des prix abordables est cruciale pour surmonter les crises alimentaires mondiales actuelles et futures. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et d’autres organismes (2022), le continent est l’une des régions du monde où l’insécurité alimentaire est la plus préoccupante, avec un taux atteignant 23,4 % de la population, par rapport à une moyenne mondiale de 11,7 % et un taux d’insécurité modérée de 34,4 %, par rapport à une moyenne mondiale de 17,6 %. De plus, en 2020, 79,9 % de la population africaine (ou 85 % si l’on exclut l’Afrique du Nord) n’avait pas les moyens de maintenir une alimentation saine, par rapport à une moyenne mondiale de 42,0 %.

Une part relativement importante des importations d’engrais phosphatés en Afrique provient du continent lui-même : près de 59 % des importations de 2021 sur le continent ont été échangées entre pays africains (Centre du commerce international, 2023). Certains pays, dont Djibouti, l’Éthiopie et le Nigéria, s’approvisionnaient à plus de 95 % auprès de fournisseurs africains. Si le Kenya, l’Afrique du Sud et la République-Unie de Tanzanie passaient de fournisseurs étrangers à des fournisseurs africains, le taux d’intégration du continent augmenterait de 26 %. Outre la possibilité d’expansion du commerce intra-africain d’engrais phosphatés grâce au remplacement des fournisseurs extérieurs par des producteurs africains, en particulier pour les pays importateurs qui dépendent actuellement assez fortement de fournisseurs extérieurs au continent, l’augmentation de l’utilisation d’engrais sur tout le continent offrirait aux producteurs d’engrais phosphatés africains de nouveaux débouchés. L’utilisation d’engrais en Afrique reste l’une des plus faibles au monde. L’insécurité alimentaire chronique de la région et la nécessité d’accroître l’utilisation d’engrais pour stimuler la productivité agricole devraient inciter les décideurs à renforcer les initiatives continentales et sous-régionales afin d’étendre davantage l’utilisation d’engrais.

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