Burkina Faso: Mobilisation des revenus miniers 2017-2022 – Plus de 156 milliards F CFA injectés dans les collectivités locales
Le Centre d’études et de recherches appliquées en Finances publiques (CERA-FP) a présenté, les résultats d’une étude sur les recettes minières, le Fonds minier de développement local (FMDL) et son impact sur les communautés sur la période 2017-2022, le vendredi 19 janvier 2024, à Ouagadougou.
Au Burkina Faso, de 2017 à 2021, la contribution du secteur minier aux recettes publiques mobilisées par toutes les régies de recettes est d’environ 988 milliards F CFA, déduction faite du remboursement de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui s’élève à plus 344 milliards F CFA, pour une production d’or environ 301 tonnes sur la période. La contribution moyenne annuelle du secteur aux recettes publiques au cours de ces 5 dernières années se chiffre à 197 milliards FCFA, pour une production annuelle moyenne d’or de 60 tonnes.
Ces données ressortent de l’étude sur les recettes minières, le Fonds minier de développement local (FMDL) et son impact sur les communautés réalisée par le Centre d’études et de recherches appliquées en Finances publiques (CERA-FP). Les résultats de cette étude ont été présentés aux représentants de la société civile et de l’administration publique, le vendredi 19 janvier 2023, à Ouagadougou. L’étude montre que les recettes de services représentent 56,15% des recettes minières totales sur la période contre 43,85% pour les recettes fiscales. « Ce faible taux des recettes fiscales s’explique par le fait que le remboursement de crédits TVA aux sociétés minières a été important (344,210 milliards) au cours de la même période. Ce montant élevé de remboursement de TVA vient soulever une fois de plus la problématique des dépenses fiscales », a souligné, le consultant qui a conduit l’étude, Ousseni Kagambèga.
La part des recettes minières dans les recettes du budget de l’Etat, sans déduction du remboursement de crédit TVA, est moyenne annuelle de 17,4% en moyenne sur la période 2017-2022. Si, cette contribution du secteur minier aux recettes budgétaires est appréciable, les mesures fiscales dérogatoires excessives au profit du secteur, surtout le remboursement des crédits TVA, aux sociétés minières estimé en moyenne à 68,84 milliards FCFA par an, viennent réduire significativement cette contribution à 12,78% des recettes du budget national sur la période 2017-2021, a-t-il ajouté.
Pour ce qui est des dividendes reçus par l’Etat sur la base de sa participation au capital des sociétés minières, ils s’élèvent à environ 39 milliards F CFA sur la période de 2017 à 2021. Il ressort également que sur la période de l’étude, les recettes minières ont connu un accroissement annuel moyen de 21%. Une hausse essentiellement imputable aux recettes de services du secteur qui enregistrent un accroissement moyen annuel de 35%, contre un taux d’accroissement moyen de 8% pour les recettes fiscales.
Le fonds de financement de la recherche et de la formation en souffrance
S’agissant de la contribution des compagnies minières au financement des budgets des collectivités territoriales du Burkina Faso, elle s’opère à travers le fonds minier de développement local, la taxe superficiaire et la fiscalité minière locale à savoir la contribution de la patente des activités commerciales du secteur, la taxe foncière des sociétés, la contribution des microentreprises et la taxe sur les véhicules, etc. « A ce jour, 156,749 milliards de FCFA ont été collectés et repartis au profit des collectivités territoriales. Cette somme comprend 144,002 milliards des 1% du chiffre d’affaires versés par les sociétés minières et 12,746 milliards de FCFA des 20% des royalties reversées par l’Etat », indique le rapport d’étude.
Sur la période 2017-2021, la contribution des recettes minières aux budgets de collectivités territoriales est de plus de 27 milliards F CFA en moyenne par an, soit une contribution totale du secteur d’environ 139 milliards F CFA au financement du développement local. Sur la période, la contribution du secteur minier aux budgets des collectivités locales a enregistré une forte croissance, affichant ainsi un accroissement annuel moyen de 102%. Sur les fonds institués par le code minier de 2015, l’étude révèle que le Fonds minier de développement local a été alimenté à 144 milliards F CFA, le fonds de réhabilité et de fermeture de la mine à 49 milliards F CFA, et le fonds de réhabilitation, de sécurisation des sites artisanaux et de lutte contre l’usage des produits chimiques prohibés à plus de 8 millions F CFA.
Cependant, le fonds de financement de la recherche géologique et minière et de soutien à la formation sur la science de la terre, censé doter le pays en richesse humaines qualifiées, en connaissances des roches et du potentiel de gisements dans le domaine géologique, n’a pas reçu de contribution sur la même période. Parmi ces fonds, le FMDL reste la plus importante recette versée par le secteur minier aux collectivités territoriales, il représente 78 % de la contribution totale sur la période.
Le fonds de financement de la recherche et de la formation en souffrance
A l’effet de mieux cerner les effets du FMDL sur les populations, une enquête a été menée auprès des ménages des communes minières de Bagassi, Boudry, Sabcé et Houndé et de la commune non minière de Dori. Au titre du FMDL, sur la période 2017-2022, de Bagassi et Boudry ont reçu chacune 3,6 milliards F CFA, 7 milliards F CFA pour Houndé et plus d’un milliard pour la commune de Sabcé quant à la commune de Dori, elle a encaissé environ 360 millions F CFA. Selon les données de l’enquête terrain 60% des ménages enquêtés se déclarent insatisfaites de la gestion du FMDL par les Autorités contre 34% qui disent en être satisfaites.
Instituer un fonds dédié aux générations futures
Pour la réalisation des infrastructures grâce au fonds, il ressort que 42% des enquêtés disent avoir été impliqués contre 52% qui déclare n’avoir pas été associé d’une manière ou d’une autre. Et 85% des enquêtés estiment que les différentes réalisations répondent aux besoins des populations et contribuent à l’amélioration de leurs conditions de vie, contre 4% des enquêtés qui soutiennent le contraire. L’étude a mis en exergue des problèmes de gouvernance du FMDL. Il s’agit de la faible communication, la faible redevabilité et transparence dans la gestion du fonds, la faible participation citoyenne dans la gestion des ressources du FMDL par les Autorités locales et l’insuffisance de compétences au niveau des communes pour une gestion efficace du fonds. Dans l’objectif de contribuer à assurer une meilleure gouvernance du secteur minier burkinabè, le rapport d’étude est assorti de recommandations à l’endroit de l’Etat et des collectivités.
Il s’agit, entre autres, de mettre en place un service spécifique en charge de la fiscalité minière pour la coordination, le traitement des recettes minières fiscales et non fiscales au sein de la DGI, de rationaliser les avantages fiscaux ou mesures fiscales dérogatoires en faveur du secteur minier. Il y a également la nécessité d’alimenter le fonds de financement de la recherche géologique et minière et de soutien à la formation sur la science de la terre, de mettre en place un fonds dédié aux générations futures pour préparer l’après boom minier et permettre à ces générations d’avoir de quoi financer les actions de développement de leur temps.
Il a aussi été recommandé de mettre en place une bonne planification locale des projets éligibles au FMDL pour plus de cohérence, d’adopter le budget participatif pour la planification et la budgétisation des investissements, de recruter un personnel compétent et suffisant au profit des communes, de faire le suivi citoyen de la collecte des recettes minières et les réalisations financées par le FMDL, d’allouer au moins 30% du FMDL pour le financement des activités économiques et projets des femmes et des jeunes.
L’étude a enfin relevé que sur la contribution du secteur minier aux recettes publiques, il y a des différences entre les données du Ministère de l’économie, des finances et de la prospective et celles de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE). Selon la chargée de programmes de CERA-FP, Lina Gnoumou, cette étude vise à évaluer le niveau de mobilisation des recettes minières au profit du budget de l’État, des collectivités et du FMDL et l’impact réel de ces revenus miniers sur le développement local et le bien-être des populations. Financée par DANIDA, à travers OXFAM Burkina, cette étude entre dans le cadre du projet : « Une société juste, équitable, résiliente et pacifique au Burkina Faso ».
Lire l’article original sur Sidwaya.