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Une exploitation de diamants au Sénégal entre leurres et lueurs

Les medias et les citoyens sénégalais se sont enflammés le temps d’un weekend suite aux révélations liées à une “sombre histoire” de diamants.

Tout est parti de la conférence de presse tenue le samedi 09 décembre 2023 par Me Moussa DIOP, ancien DG Dakar Dem Dikk et non moins candidat à la candidature pour l’élection présidentielle du 25 février 2024 (voir lien Youtube).

Conférence de Me Moussa DIOP

L’avocat donne à la presse des informations en exhibant des correspondances entre l’ancien Ministre des Mines Aly Ngouille NDIAYE et le PDG de la Compagnie Sucrière Sénégalaise, Jean Claude MIMRAN ainsi qu’un protocole entre le Président Macky SALL himself, pour une autorisation d’exploitation de diamants au nord du pays (à Richard Toll). Des personnalités proches du Président sont citées notamment Mamadou Makhtar CISSE, actuel Directeur de Cabinet du Président de la République mais aussi le mandataire de M. MIMRAN qui n’est personne d’autre que le Président du Comité National Olympique et Sportif Sénégalais depuis 2007, Mamadou Diagna NDIAYE. Pour rappel, M. Diagna NDIAYE est aussi cité dans l’affaire Adjani (procès pour fraude fiscale de l’actrice).

Après la conférence de presse, les réactions ne tardent pas à tomber. D’abord, c’est l’ancien Ministre des Mines de l’époque, Aly Ngouille NDIAYE qui apporte un démenti aux allégations de Me DIOP.

Le lundi 11 décembre 2023, le Ministre des Mines et de la Géologie y également allé de son communiqué pour apporter des éclairages.

Décortiquer les leurres et les lueurs

Géologiquement, les diamants se forment dans les entrailles de la Terre, à très grande profondeur et haute température. Ils remontent à la surface par le biais d’éruptions volcaniques. On les retrouve ainsi prisonniers de roches magmatiques appelées kimberlites. Cependant, l’origine de ces magmas très particuliers est encore mal comprise. Une nouvelle étude montre que l’initiation de ce magmatisme serait associée aux grands cycles tectoniques et plus particulièrement à la fragmentation des supercontinents.

PROCESSUS DE FORMATION DU MAGMA CONTENANT LES DIAMANTS LORS DE LA FRAGMENTATION DES CRATONS. © GERNON ET AL. 2022, CC BY 4.0

D’après le Catalogue des ressoures minérales du Sénégal, les indices de diamant ont été trouvés à Wassangara et Karakaena (Kédougou). Cela semble logique si on sait que cette zone constitue une zone de socle. En effet, le craton ouest africain affleure principalement dans la partie orientale du pays à proximité de la frontière avec le Mali constituée par la rivière Falémé, appelée boutonnière Kédougou-Kéniéba.

La province kimberlitique de Kéniéba enjambe les unités Birrimiens de la fenêtre de Kédougou-Kéniéba et l’escarpement de Tambaoura. Vers l’ouest, la plaine de la vallée de la Falémé est constituée par des schistes Birrimiens, injectés de filons de quartz aurifères et des dykes doléritiques, et traversés de quelques batholites de granitoïdes et de pipes kimberlitiques.

Ainsi, historiquement, les premiers travaux de prospection du diamant au Sénégal ont débuté entre 1911 et 1948 avec la Compagnie des Mines de la Falémé, sans résultats probants.

L’ensemble des travaux de prospection, jusqu’en 1965 n’ont jamais été concluants pour donner une appréciation sérieuse au potentiel diamantifère du Sénégal oriental.
A partir de 1965, le BRGM découvre des concentrations diamantifères dans la région malienne de Kéniéba avec de rares pierres de moins de 0,25 carats.

Par la suite des travaux du PNUD en 1969 sur les terrasses alluvionnaires de la Falémé et du fleuve Gambie (frontière avec la Guinée vers Mako) ont permis de trouver quelques petites pierres de 0,10 carats.

Dans les années 1971-1973, des travaux prospection furent effectués par une mission sénégalo-soviétique sans résultats notables ; aucun diamant n’ayant été mis en évidence.
Les résultats de l’ensemble des prospections pour diamant au Sénégal oriental ont été très modestes durant une assez longue période. Les espoirs de trouver une concentration diamantifère ont pour l’instant toujours été déçus.

Les lueurs d’espoir se sont vite transformées en leurres géologiques.

Mais il y a quelques points d’ancrage possibles qui pourraient motiver la reprise des prospections avec les méthodes et outils modernes.
A ce jour, il n’existe au Sénégal aucune exploitation de mine de diamant, même s’il est avéré que des indices existent à Kédougou, d’autant plus que le socle birrimien au Sénégal est le prolongement du socle Ouest africain  (Cote d’Ivoire – Sierra Léone – Libéria – Guinée – Mali) où l’on trouve de l’or et du diamant en abondance.

Par ailleurs, les diamants d’Afrique de l’ouest sont pratiquement tous d’origine alluvionnaire. En Guinée, les diamants se trouvent dans la forêt tropicale, en Sierra Leone les diamants sont présents sur tout le territoire et 70% des pierres trouvées sont de qualité gemme. C’est en Sierra Leone que l’on trouve la meilleure qualité de diamant aujourd’hui.

Malgré les informations avancées de part et d’autre, il est important de clarifier que la seule autorisation en cours de validité qui est accessible dans le cadastre minier, reste celle de International Trading Company dans le périmètre de Ilimalo.

Le Ministère des Mines avance que deux permis de recherche sont en cours de validité sans les nommer…

La transparence aurait commandé de s’assurer que les deux permis de recherche et l’autorisation d’exploitation semi-mécanisée apparaissent tous dans le cadastre minier et leurs arrêtés publiés.

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