Mines

Le revirement des compagnies minières occidentales en faveur de la RDC et de la Zambie

(Agence Ecofin) – Pendant des années, certaines grandes compagnies minières étrangères se sont efforcées de réduire leur présence en Afrique centrale, particulièrement en RDC et en Zambie. Après avoir laissé leurs concurrentes chinoises combler le vide, elles opèrent depuis quelques mois un virage à 180 degrés, à l’image de Barrick, Anglo American ou encore BHP. Avec la transition énergétique et son besoin croissant en divers métaux, les juridictions africaines jugées « à risque » semblent désormais tout à fait fréquentables.

En marge du Mining Indaba 2022 qui se tenait au Cap en mai dernier, le PDG de Barrick Gold, Mark Bristow, est revenu sur les prochains investissements de sa compagnie, précisant qu’un accent particulier est mis sur le cuivre. Et une région semble propice pour accueillir les millions de dollars que le deuxième producteur mondial d’or veut consacrer à l’agrandissement de son portefeuille cuprifère : la ceinture de cuivre située entre la Zambie et la RDC. Le dirigeant, qui dénonçait en 2019 les modifications constantes du régime fiscal congolais, semble plus que jamais prêt à passer outre pour profiter du potentiel minéral du pays. 

Le dirigeant, qui dénonçait en 2019 les modifications constantes du régime fiscal congolais, semble plus que jamais prêt à passer outre pour profiter du potentiel minéral du pays.

Même son de cloche du côté du géant minier australien BHP qui aurait mené récemment plusieurs discussions pour acquérir le projet de cuivre Western Foreland, adjacent au géant complexe de cuivre Kamoa-Kakula développé actuellement par Ivanhoe Mines en RDC. C’est aussi le cas de la holding britannique Anglo American qui a signé également en mai un protocole d’accord avec la junior minière Arc Minerals en Zambie. Il porte sur une coentreprise destinée à développer un projet de cuivre-cobalt dans la province du Nord-Ouest. Signalons dans la même veine l’approbation longtemps retardée, toujours en mai, d’un investissement de 1,3 milliard de First Quantum Minerals dans le cuivre et le nickel en Zambie. 

Une conjoncture favorable

L’intérêt pour les métaux « verts » est la première raison qui justifie ce nouvel engouement des compagnies occidentales pour la Zambie et la RDC. Ces deux pays concentrent en effet une importante partie des réserves africaines de cuivre et, conséquence du long désintérêt de ces mêmes investisseurs, plusieurs gisements restent encore inexploités. Mais ce n’est pas la seule raison, puisque l’évocation d’une installation (pour BHP) ou d’un renforcement de la présence dans la ceinture de cuivre d’Afrique centrale (pour les autres) coïncide avec certains bouleversements réglementaires dans d’autres juridictions minières historiquement plus attractives pour ces compagnies.

Au Chili, premier producteur mondial de cuivre, un projet de loi controversé est actuellement sur la table du Sénat et vise à augmenter la redevance perçue par l’Etat sur les revenus des compagnies minières. La situation semble encore plus compliquée pour les investisseurs miniers présents au Pérou, deuxième producteur mondial de cuivre. Arrivé à la tête du pays l’année dernière, le président socialiste Pedro Castillo a en effet bâti sa campagne électorale sur l’idée d’une meilleure répartition des richesses entre l’industrie minière et les populations, promettant aux Péruviens qu’il allait revoir les contrats miniers pour mettre fin aux « pillages ». Depuis, son gouvernement a évoqué une taxe ciblant les « bénéfices excédentaires » des compagnies du fait de la hausse des prix des matières premières, malgré l’opposition de l’industrie et d’une partie de la classe politique.

En Zambie un changement de régime a également eu lieu l’année dernière, mais il est en train d’avoir sur l’industrie minière l’effet contraire à celui observé en Amérique du Sud. Le président Hakainde Hichilema, ancien homme d’affaires, a en effet choisi de placer son mandat sous le sceau de l’amélioration du climat des affaires dans le pays. Il a annoncé une révision du régime fiscal applicable à l’industrie, ce qui a suscité l’enthousiasme des compagnies actives dans le pays qui estimaient que cette législation rendait le secteur minier non viable et non compétitif.

« Nous devons élaborer des politiques qui ne désavantageront pas les investisseurs. Nous devons assurer la stabilité de l’économie pour que l’investisseur soit heureux », promet dans la même veine son ministre des Mines, Paul Kabuswe.

Si toutes les mesures annoncées n’ont pas encore été mises en œuvre, il semble que les garanties obtenues par le secteur sont suffisantes pour le moment, comme le témoigne la récente annonce de First Quantum Minerals. Active sur deux mines de cuivre dans le pays, la compagnie minière canadienne avait subordonné la réalisation de nouveaux investissements à une amélioration du cadre réglementaire.

Du côté de la RDC, la situation est légèrement différente. Le code minier de 2018, objet de critiques, car ayant notamment entériné la hausse des redevances sur les revenus de cuivre et de cobalt, est toujours en vigueur. De plus, le président Tshisekedi a annoncé en mai 2021 son intention de revoir les contrats miniers conclus sous le régime précédent « pour sceller des partenariats gagnant-gagnant ». Cependant, les immenses réserves de cuivre et de cobalt du pays font qu’il est impossible de l’ignorer alors même que la demande explose et que plusieurs analystes évoquent des risques de pénurie qui feront grimper davantage les prix dans quelques années. 

Éviter les erreurs du passé

Le marché mondial des matières premières est à l’aube d’un nouveau super cycle, si on en croit plusieurs spécialistes du secteur. Si tous les métaux pourraient ne pas être concernés, on assiste néanmoins depuis deux ans aux prémices de cette prédiction avec la hausse historique du prix du cuivre. 

La Zambie et la RDC semblent l’avoir compris, puisque les deux pays ont conclu en avril un protocole d’accord pour développer une chaine d’approvisionnement pour les matériaux de voitures électriques. 

Pour les deux premiers producteurs africains, il s’agit cette fois de ne pas refaire les erreurs commises lors du super cycle des années 2000 en profitant de l’intérêt de ces grands groupes miniers pour investir dans la transformation locale. Cela permettrait de développer le tissu industriel local dans ces deux pays tout en ajoutant de la valeur aux biens exportés.

La Zambie et la RDC semblent l’avoir compris, puisque les deux pays ont conclu en avril un protocole d’accord pour développer une chaine d’approvisionnement pour les matériaux de voitures électriques. Ce secteur pourrait consommer annuellement 4 millions de tonnes de cuivre d’ici 2040 (contre 300 000 tonnes en 2020) selon CRU Group, et 320 000 tonnes de cobalt d’ici 2026 (contre 175 000 tonnes en 2021, selon le Cobalt Institute. 

L’exception Ivanhoe Mines récolte le fruit de ses efforts à Kamoa-Kakula

Alors que la plupart des grandes entreprises occidentales préféraient investir dans le cuivre en Amérique latine, une société canadienne, dirigée par un homme d’affaires « amoureux » de la RDC et soutenu par des investisseurs chinois, a réussi à bâtir dans le pays ce qui est annoncé comme la deuxième plus grande mine de cuivre au monde. Présents dans le pays depuis bientôt deux décennies, le milliardaire Robert Friedland et sa société Ivanhoe Mines ont en effet mis en service il y a un an la mine de cuivre Kamoa-Kakula. D’ici 2025, la production de concentrés de cuivre devrait y atteindre 600 000 tonnes chaque année, ce qui en ferait déjà le troisième plus grand complexe de cuivre au monde, avant un pic à 800 000 tonnes quelques années plus tard. La mine disposera également de la plus grande fonderie de cuivre d’Afrique, d’une capacité nominale annuelle de 500 000 tonnes, soutenant les ambitions de Kinshasa de bâtir une industrie de transformation locale des minéraux en RDC

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