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Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad… Comment l’or du Sahel finance les groupes armés

La cartographie des mines artisanales où s’extrait le métal jaune sahélien recoupe peu ou prou celle des zones d’activité des groupes armés, jihadistes ou non. Une manne qui constitue l’enjeu d’une intense bataille territoriale. Décryptage en infographies par Jeune Afrique.

L’état des lieux dressé par le dernier rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) sur l’exploitation artisanale de l’or sahélien, que nous décryptons en infographies, lève un coin du voile sur les dessous de ce trafic très lucratif. Il montre notamment la manière dont la carte des sites aurifères artisanaux recoupe, en grande partie, les zones d’activité des groupes armés, qu’ils soient jihadistes ou non. Le phénomène est particulièrement prégnant au Burkina Faso, dont le sous-sol est riche en métal jaune, et dans la zone des « trois frontières », entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger.

« Le caractère fongible et facilement transportable de l’or le rend particulièrement attractif pour les groupes criminels, y compris les groupes armés », résume François Patuel, chef de l’unité de recherche et de sensibilisation à l’ONUDC. Le précieux minerai, utilisé en tant que monnaie, est aussi un moyen de blanchir l’argent généré par le trafic de drogue. « Les groupes armés et les trafiquants instrumentalisent les difficultés d’accès aux licences et proposent une protection aux orpailleurs en échange d’un financement, précise François Patuel. C’est une manière de saper l’autorité de l’État. D’autres en font des foyers de recrutement de soldats. »

 © Infographie : Maÿlis DUDOUET
© Infographie : Maÿlis DUDOUET

Dans la région de Kidal, au Mali, la majeure partie des mines artisanales seraient aux mains des hommes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), de Iyad ag Ghali, ou de l’une des factions armées composant la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).

Au Tchad, les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) et le Conseil de commandement militaire pour le salut de la République (CCMSR) collectent des fonds sur les sites miniers tchadiens et nigériens, où ils recrutent au passage de nouveaux combattants.

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Au Burkina Faso, une partie des affrontements qui voient s’opposer les jihadistes du GSIM à ceux de l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) portent sur le contrôle des sites aurifères…

 © Infographie : Maÿlis Dudouet
© Infographie : Maÿlis Dudouet

Chaque année, 228 tonnes d’or au total sont officiellement extraites au Burkina Faso, au Mali, au Niger et en Mauritanie. Il faut ajouter à cela les 108 tonnes d’or obtenues dans les mines artisanales, en grande partie de manière illégale. Une estimation qui est, évidemment, à prendre avec précaution, mais qui montre l’ampleur de la part prise par la production informelle à petite échelle.

Blanchiment d’argent et foyers de recrutement

 © Infographie : Maÿlis DUDOUET
© Infographie : Maÿlis DUDOUET
 © Infographie : Maÿlis DUDOUET
© Infographie : Maÿlis DUDOUET

En 2015, Ouagadougou chiffrait le manque à gagner fiscal du trafic informel à 490 millions de dollars. Pour tenter de limiter cet impact, les autorités de la transition burkinabè misent sur une « formalisation » de la transformation de l’or issu des mines artisanales. Elles ont notamment annoncé la construction à Ouagadougou d’une raffinerie qui doit ouvrir d’ici la fin de 2024. Une manière de suivre la chaîne d’approvisionnement et d’assurer une meilleure traçabilité du métal jaune. « Le Burkina Faso pourra ainsi sécuriser sa chaîne de production », salue François Patuel.

 © Infographie : Maÿlis DUDOUET
© Infographie : Maÿlis DUDOUET

Cette question de la traçabilité est cruciale. Les Émirats arabes unis, qui comptent parmi les principaux destinataires des minerais issus des gisements artisanaux sahéliens – 238 tonnes d’or ont été importées par les EAU en 2021 –, en attribuent ainsi l’origine aux pays « exportateurs », au premier rang desquels le Mali. Un pays qui doit sans doute sa prédominance à la réexportation de la production artisanale de pays frontaliers.

Le désastre environnemental!

Pour extraire l’or, les orpailleurs n’hésitent pas faire usage d’explosifs, de mercure et surtout de cyanure, autant de produits chimiques dangereux qui rendent impraticable certains cours d’eau qui sont aujourd’hui menacés de disparaitre, c’est le cas de la Falémé au Sénégal.

«Une brigade mixte entre le Sénégal et le Mali peut être envisagée très rapidement pour assurer la sécurisation de la Falémé», a dit Hamed Diane Semega, Haut-Commissaire de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) lors d’une conférence de presse organisée jeudi 9 mai 2023, en compagnie des autorités administratives de Kédougou (sud-est du Sénégal) et de Kayes, région malienne frontalière du Sénégal.

La création de cette brigade, rappelle le Haut-Commissaire de l’OMVS, «est une recommandation de l’atelier tenu en 2018 lors d’une première mission de terrain». Il est par ailleurs convaincu «de la volonté des Etats de veiller à la bonne marche de l’OMVS». Selon lui, la réussite du projet de construction du barrage de Gorbassi prévu sur la Falémé nécessite des mesures d’urgence pour sauver ce cours d’eau et renforcer le fleuve Sénégal.

A noter que l’OMVS, dont le siège est à Dakar, est une organisation intergouvernementale de développement, créée à Nouakchott le 11 mars 1972 par le Sénégal, le Mali et la Mauritanie pour gérer le bassin versant du fleuve Sénégal qui s’étend sur 292.000 kilomètres carrés.

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