Rio Tinto-Glencore: les conséquences éventuelles du projet de mégafusion pour les mines en Afrique
Les deux multinationales minières, toutes deux très présentes en Afrique, ont discuté jusqu’à octobre dernier d’un projet de fusion, selon la presse anglophone. Une opération qui interroge et qui, si elle aboutit, bouleverserait les équilibres du secteur en Afrique.
Bientôt les mines de Simandou, QIT Madagascar Minerals (QMM) et Kamoto dans le même bateau ? C’est ce que laisse entrevoir l’information révélée par Bloomberg le 16 janvier : le groupe anglo-australien Rio Tinto et le négociant suisse Glencore ont discuté d’une fusion au cours de 2024. Des échanges qui, selon l’agence, ne seraient plus d’actualité, et que les deux groupes, contactés par Jeune Afrique, n’ont pas souhaité commenter. Ils font pourtant l’effet d’une bombe dans l’industrie minière mondiale.
Rio Tinto est le deuxième groupe du secteur en matière de capitalisation boursière, évaluée à 103 milliards de dollars, juste derrière l’australien BHP. Glencore, géant du négoce de matières premières détenant également des actifs miniers, est pour sa part valorisé à environ 55 milliards de dollars. Une fusion qui ferait naître le plus grand groupe minier du monde, présent sur tous les continents, dans des minerais variés, et de l’extraction jusqu’à la commercialisation.
Un nouveau n° 1 africain ?
Un big bang potentiel en Afrique aussi. Car, sur le continent, Glencore et Rio Tinto sont aussi des géants. Leur union créerait un concurrent certain à Anglo American en tant que plus gros opérateur minier, d’autant que ce dernier est en cours de vente à la découpe de ses filiales phares en Afrique, notamment De Beers dans les diamants.
En Afrique, Rio Tinto dépense actuellement 6,2 milliards de dollars pour faire entrer en production le plus gros gisement de fer inexploité du monde, Simandou, dans le sud-est de la Guinée. Un pays où il est par ailleurs actionnaire du producteur historique de bauxite, la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG). L’anglo-australien opère aussi des sables minéralisés à Richards Bay en Afrique du Sud et à Madagascar, au travers de sa filiale QMM.A lire :
De son côté, Glencore détient les mines de cuivre-cobalt de Kamoto et de Mutanda en RDC, mais aussi 12 sites d’extraction ou de transformation de charbon et de ferro-alliages en Afrique du Sud. Il commercialise des minerais et des hydrocarbures venus du continent et détient des blocs pétroliers au Cameroun et en Guinée équatoriale.
Un point noir : le charbon
C’est justement le portefeuille du trader qui fait douter les analystes de la concrétisation d’un tel attelage. Rio Tinto a décidé il y a quelques années déjà de se retirer des combustibles fossiles, parmi lesquels le charbon. Si Glencore a un temps réfléchi à isoler ses actifs charbon dans une entité séparée, cette opération n’a pas été menée à son terme.
Par ailleurs, le géant anglo-australien a pris le tournant de la transition énergétique. La fusion avec Glencore lui donnerait encore plus de place sur le marché de l’un des métaux phares de cette tendance, le cuivre, puisque le trader détient des mines en RDC ainsi qu’au Chili. Le nouveau groupe serait même, selon Bloomberg, le plus gros producteur de cuivre du monde.
Mais Rio Tinto souhaite-t-il revenir en RDC, où il a exploré du fer jusqu’en 2013 ? Pour chercher des minerais critiques en Afrique, l’anglo-australien a pour l’instant décidé de lancer des campagnes d’exploration chez ses voisins : en Angola, en Zambie, au Rwanda, en Namibie.
Bloomberg évoque aussi la différence de culture entre les deux entreprises comme étant un frein à une fusion, quand le Financial Times cite un analyste doutant des synergies possibles. En 2014, une offre de rachat de Rio Tinto par Glencore avait été avortée.
Les discussions illustrent toutefois la forte dynamique de fusions-acquisitions dans le secteur minier, sur fond de course aux minerais critiques. En avril 2024, BHP a proposé de racheter Anglo American, en particulier pour mettre la main sur ses actifs de cuivre de « classe mondiale » au Chili et au Pérou. En vain.
Source : Jeune Afrique